You might want to reconsider those ties.

Encore une excellente idée de lancer ce film à 23h30 « juste pour revoir le début » et d’évidemment tomber complètement happé par la prestation de Roberts, la réal de Soderbergh et la photo so 2000 de Lachman.
Je ne l’avais pas revu depuis plus de 15 ans je pense et je me suis surpris à être scotché par un champ contre champ magnifique, des astuces de mise en scène d’une simplicité enfantine mais d’une efficacité redoutable et un propos d’une grande modernité même si, on va pas se mentir, Brockovich est une femme patriarcale et que la sororité n’est pas son fort.
IL N’EMPÊCHE. Toute la première partie raconte avec une grande maestria comment les femmes en général et Brockovich en particulier sont silencées, méprisées, moquées et en définitive, les victimes du monde dans lequel elles évoluent. Comment la société repousse du dos de la main les reproches et commentaires que celles-ci auraient à faire et agit activement à continuer de bâtir un monde où elles ont globalement le droit de la fermer et c’est déjà pas mal.
Dans sa deuxième partie, Soderbergh transporte ce sentiment de mise à l’écart mis en place en positionnant Roberts en observatrice à la fois des clients potentiels qu’elle démarche mais surtout du monde corporate qu’elle découvre et qu’elle méprise en même temps qu’elle le désire. Son intelligence sociale, son regard critique des institutions, son entièreté sont transmises à chaque plan, à chaque moment, et toujours de manière subtile de façon à ce que quand elle dit à George « Pour la première fois, on me respecte » on le vit comme une évidence parce qu’on a eu le temps de le ressentir pendant toutes les scènes précédentes. C’est ce que le cinéma est et c’est ce qu’il devrait toujours être.
Je pense malheureusement qu’un film comme celui-ci ne pourrait plus se faire aujourd’hui. D’une part parce qu’il raconte une Amérique où les petits ont encore une chance de la mettre aux grands et que ce sentiment de reversibilité des raports de force est définitivement perdu (à raison). Et d’autre part parce que je pressens que la discussion autour du film tournerait sur à quel point Brockovich est ou non un personnage « féministe » (en oubliant donc que seuls les personnages incomplets, imparfaits, peuvent nous amener à prendre conscience de nos travers et donc nous pousser à changer nos habitudes et soigner nos propres paradoxes).
Encore plus effrayant de penser que l’équivalent dans les années 20 d’Erin Brockovich est Oppenheimer. On a vraiment pris du plomb dans l’aile.
