Auteur/autrice : cinecure

  • Here – Encadrer la vie

    Time just went.

    Je lis les retours et je crois que je comprends parfaitement le rebut qu’ont pu ressentir certain-e-s en voyant Here. Ça peut paraître niais, ça peut sembler forcé… Néanmoins je crois que voir le film de Zemeckis sans penser le cinéma de Zemeckis dans son ensemble, c’est commettre une erreur. 

    Parce que le réalisateur n’a cessé au long de sa carrière, de réfléchir à comment renouveler le media cinéma et comment, au travers d’innovation, repenser la narration. Il y a donc l’histoire – somme toute assez voire très banale – de la famille de Tom Hanks et puis il y la contrainte – plan fixe – que Zemeckis s’impose et enfin, il y a la technique – <i>deaging</i> mais aussi cadres dans le cadre – qu’il veut explorer pour lier tout ça. Et la clef de lecture du film se trouve quelque part là-dedans, sans que je sache je l’avoue, vraiment où. 

    Cela ne m’empêche pas de spéculer et je ne peux m’empêcher de noter deux choses. 

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  • Garde à Vue – Caché à la vue de tous-tes

    Ma femme ne m’attend pas.

    Il y a 15 ans de ça, quand j’étais étudiant en master de communication, un professeur nous avait demandé de produire un rapport sur des échanges entre les personnages d’une œuvre, idéalement cinématographique, en nous basant sur les profils imaginés par Eric Bern dans sa théorie de l’analyse transactionnelle. 

    C’est très flou dans ma mémoire parce que comme chacun sait, on n’apprend rien de ses études si ce n’est à apprendre précisément, mais ce dont je me souviens très bien, c’est que j’avais choisi d’analyser Garde À Vue

    Près de 15 ans plus tard, me voilà donc à revoir ce chef d’œuvre et à tenter d’y lire quelque chose de plus qu’il y a 15 ans, de voir ce qui aurait pu m’échapper. Pour commencer, il y aurait aussi beaucoup à dire sur ce commissariat où les interrogatoires se mènent au troisième étage pendant qu’à la Préfecture, située en face, se tient au rez-de-chaussée la réception annuel de Monsieur le Préfet. Dans un fonctionnement contre intuitif, les suspects surplombent donc les notables et Gallien doit « redescendre » pour prendre ses ordres de son supérieur. Cela donne lieu à une scène particulièrement cocasse de tentative d’évasion de Martinaud, rapidement avortée alors que celui-ci tente de rejoindre les toîts en passant par une – sublime et terriblement cinématographique – verrière avant d’être arrêté par un policier surgissant d’au-dessus de lui (!!!). Lorsque Martinaud, une fois sa supercherie mise à jour, pourra rejoindre le niveau zéro, rien ne sera plus jamais comme avant. 

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  • The Thomas Crown Affair (1999)

    Do you really think there’s happy ever after for people like us?

    Le remake de The Thomas Crown Affair n’est pas sérieux. Et donc en tant que tel, il doit être pris très sérieusement. À ce titre, la toute première scène contient, comme c’est souvent le cas chez les très grands cinéastes, un certain nombre d’informations censées nous éclairer sur ce que le film raconte, ce que McTiernan cherche à nous dire. 

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  • Quelques pensées sur Valeurs Sentimentales

    Jusqu’à ce que vous rendiez l’inconscient conscient, il dirigera votre vie et vous l’appellerez le destin.

    Carl Jung

    Il y a un mot qui définit fantastiquement bien ce dont Joachim Trier traite dans son dernier film Valeur Sentimentale : trauma. Un mot galvaudé ces dernières années et qui constitue probablement un premier obstacle à la compréhension et surtout à l’acceptation d’une part critique et publique de ce que le réalisateur norvégien tente de faire dans son long-métrage.

    Le deuxième obstacle, c’est bien entendu le milieu bourgeois que Trier choisit, probablement parce qu’il le connaît bien, pour ancrer son histoire. C’est donc naturellement qu’on a vu fleurir ici ou là des accusations de cinéma bourgeois, un peu comme celle qui étaient venues amoindrir la réussite pourtant éclatante de son précédent film : Julie en Douze Chaptires.

    Enfin le troisième obstacle est un crime de lèse majesté dont peu de cinéastes peuvent se targuer de s’être relevé-e-s et qui a pourtant touché de très grands films. Valeur Sentimentale est un film sur le cinéma. Un film méta.

    Pourtant, comme je l’ai dit plus haut, il ne me semble qu’aucune des ces caractéristiques qui semblent embêter beaucoup de monde ne soient vraiment ni intéressantes, ni importantes. Car le film parle d’autre chose en somme, il parle de l’héritage.

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  • Michael Clayton – Le signe des temps

    – I’m not the ennemy.
    – Then who are you?

    Deux jours que je l’ai vu et je n’arrive pas à savoir si le film de Tony Gilroy est surcoté ou bien si c’est juste un film daté.

    D’un côté, il y a la critique du capitalisme, ou même du néo libéralisme, qui m’a bien entendu séduit, et qui reste très actuelle. Elle est bien servie par un montage malin – sans qu’il ne réinvente la poudre – et par des personnages plutôt bien écrits.

    Mais de l’autre, il y a cette fin qui m’a laissé sur le bord de la route, que j’ai regardée incrédule et dont je peine à vraiment comprendre en quoi elle est la révolution que tant de gens semblent y voir. De deux choses l’une pour moi : au mieux Gilroy fait preuve de naïveté et choisit de croire que le status quo peut être renversé – en dépit d’une réalité qui pourtant balise tout le reste du film et dont on sait qu’elle ne permettra absolument pas cette issue. Au pire, sa pirouette scénaristique absolument impardonnable est une tentative désespérée de rassurer les producteur-ice-s hollywoodiens afin de sauver les films à budget moyen pour adultes à qui il reste des neurones – et qui malgré tout, 20 ans plus tard ont définitivement disparu de la circulation.

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  • La Chambre de Mariana – Voir pour comprendre

    Prépare tes affaires j’ai changé d’avis, tu viens avec moi.

    Nouvelle incursion d’Emmanuel Finkiel dans la Shoah, La Chambre de Mariana fait suite aux Voyages de 1999 et à La Douleur en 2017. Un thème auquel il n’a de cesse de revenir et qu’il aborde toujours à la fois frontalement et en effectuant un pas de côté. 

    Ici il est surtout question de survie, un thème que Finkiel, en adaptant Appelfeld, choisit de traiter comme le passage d’un état à un autre, une transition. Et pour la mettre en scène, il utilise plusieurs artifices.

    Le réalisateur va en premier lieu mettre en place un dispositif destiné à nous faire prendre conscience de l’enfermement de Hugo. Et dans le même temps, il va travailler à desserrer l’étreinte de cette mise en place en désamorçant les différents pièges que ce dispositif lui imposerait. Ces pièges sont nombreux – d’autant plus qu’on attache au « film de shoah » un certain nombre de passages obligés, d’humiliations, de scènes dures et violentes. On a tous en tête Le Pianiste de Polanski, qui montrait le ghetto de Varsovie et détaillait la survie du personnage d’Adrien Brody. Finkiel rejette tout ça en s’attachant à montrer d’une autre façon exactement la même chose. 

    Dès le premier plan du film, trois choses sont introduites :
    – l’importance du son
    – le cadre dans le cadre
    – la verticalité

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  • Drive My Car – Le temps d’avoir le temps

    Si vous voulez vraiment connaître quelqu’un, alors la seule solution est de regarder au plus profond de soi.

    Secoué par le film de Ryûsuke Hamaguchi et j’en suis le premier surpris dans la mesure où le film coche absolument toutes les cases du bingo « déplaira à Charles-Edouard ». Lent, presque contemplatif, sans compromis, parfois refusant l’explication, Drive my Car semble être une compilation de ce que je déteste au cinéma, des travers du film Art et Essai.

    Mais il a un avantage extraordinaire : il est d’une clarté, d’une légibilité, et d’une rigueur qui le rendent hypnotique. En refusant de nous prendre par la main et en imposant son rythme, Hamaguchi réussit un coup de maître : il nous oblige. Il nous oblige à ralentir, à nous questionner, à observer, à être plus attentif ou attentive et petit à petit, il nous rend enquêteur-euse-s du film.

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  • Erin Brokovich – Personne ne fait plus ça

    You might want to reconsider those ties.

    Encore une excellente idée de lancer ce film à 23h30 « juste pour revoir le début » et d’évidemment tomber complètement happé par la prestation de Roberts, la réal de Soderbergh et la photo so 2000 de Lachman. 

    Je ne l’avais pas revu depuis plus de 15 ans je pense et je me suis surpris à être scotché par un champ contre champ magnifique, des astuces de mise en scène d’une simplicité enfantine mais d’une efficacité redoutable et un propos d’une grande modernité même si, on va pas se mentir, Brockovich est une femme patriarcale et que la sororité n’est pas son fort. 

    IL N’EMPÊCHE. Toute la première partie raconte avec une grande maestria comment les femmes en général et Brockovich en particulier sont silencées, méprisées, moquées et en définitive, les victimes du monde dans lequel elles évoluent. Comment la société repousse du dos de la main les reproches et commentaires que celles-ci auraient à faire et agit activement à continuer de bâtir un monde où elles ont globalement le droit de la fermer et c’est déjà pas mal. 

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  • Cinécure Saison 2, dès la semaine prochaine !

    Après une première saison riche en propositions et tout feu tout flamme, on reprend la route du studio avec cette fois-ci la volonté de proposer un contenu un peu plus ordonné.

    En effet, cette saison on va organiser les épisodes avec un fil rouge et on commence dès septembre avec Les Couples Enquêteurs.

    Bonne rentrée à toutes et à tous !